Colloque « Aux nouvelles frontières de la Fraternité » 4 avril 2014
« Aux nouvelles frontières de la fraternité »
Colloque du 4 avril 2014
(Extraits des Notes de Michel Sot)
Table ronde n°1 : Aux sources bibliques et républicaines de la fraternité
Michel Dujarier, théologien et patrologue
« Fraternité désigne à la fois la communauté et la vertu qui l’unit. Ce mot devient le nom propre de l’Eglise. »
« Parce que le Christ est notre frère. Il nous a pris dans sa fraternité par l’Incarnation »
Jacques Le Goff, sociologue et politologue
« C’est la plus émotionnelle des trois valeurs de la République, la plus fragile aussi. »
« La fraternité est correctrice des insuffisances des deux autres valeurs »
Étienne Grieu, théologien
« La fraternité est une promesse et un appel. Or nous sommes pris dans une conception de la réalisation de soi, où les autres sont au mieux perçus comme des adjuvants. »
Olivier Abel, philosophe
« Nous sommes dans une logique d’individualisation, de réalisation personnelle etc. (…),et en même temps nous ressentons le besoin de liens avec « les frères » : ces liens existent mais il faudrait les reconnaître. »
« La fraternité n’est pas un bon sentiment. C’est un volcan et elle fait peur. »
Table ronde n° 2 : La dimension territoriale de la fraternité
Jean-Baptiste de Foucauld, Nouvelles solidarités face au chômage
« Pour que la fraternité soit impliquée dans les politiques sociales il faut sortir de l’idéologie du progrès par les grandes machines distributives (…) : pas de prestation sans relation »
« Chaque politique publique devrait comporter une partie de ses crédits pour la mise en participation des usagers. »
Claude Dilain, sénateur de Seine-Saint-Denis, ancien maire de Clichy-sous-Bois.
La fraternité implique l’amour, ce qui est politiquement dangereux.
Il n’y a pas de politique de la fraternité : le rôle du politique est de faire naître la fraternité..
Jean-François Serres, secrétaire général des Petits Frères des Pauvres.
Il importe de favoriser l’émergence de petites équipes citoyennes, entretenant une certaine chaleur, qui construisent elles-mêmes leurs pratiques (…) avec celles et ceux qu’elles rencontrent.
Table ronde n° 3. La fraternité a-t-elle des frontières ? Nation, Europe, Monde
Jérôme Vignon, président de l’ONPES et des Semaines sociales de France
La construction européenne, solidarité de fait, nous apprend quelque chose sur la fraternité. (…)Mais sa réalisation est très fragile (cf. crise grecque) et les tentations de repli des communautés nationales sont grandes.
Appel à la société civile et aux Eglises, non pour montrer ce qui ne va pas, mais bien ce qui va dans le sens de la fraternité.
Catherine Withol de Wenden, démographe et politologue
« Fraternité » ne fait pas partie du vocabulaire des relations internationales. Mais des éléments sont présents. (…) Cependant bien des éléments en sens inverse. : (…)23 000 morts en Méditerranée depuis 2000 ; (…) des barrières juridiques et physiques construite sur la peur de l’autre.
Lucas Jahier, président de Groupe au Conseil Economique et Social européen
« Le projet (européen) est en crise, non pas tant dans sa politique qui a obtenu de très nombreux résultats mais dans l’opinion qui ne le soutient guère : il faut remotiver les citoyens. »
Guy Aurenche, président du CCFD-Terre solidaire
La fraternité est un don à recevoir ; pas un fait positif mais un chemin difficile, voire un combat et une lutte.
« La mondialisation a créé une interdépendance qui engendre une attitude agressive (je bouffe l’autre) ou une attitude passive (que le meilleur gagne). Dans les deux cas, disparition du plus faible. Il importe de promouvoir une interdépendance dialoguée dans une dynamique de partenariat, ce qui n’est pas facile mais ce qui est aussi la seule solution réaliste. »
Table ronde n° 4. La fraternité au risque de la fragilité
Témoignage de Philippe Guerquin, Pdt de la délégation du Secours Catholique de Meurthe et Moselle
« Le combat pour la justice et respect des droits est le premier niveau de la Fraternité »
Paulette Guinchard, ancien ministre, présidente de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie
« nous sommes tous en situation de vulnérabilité et c’est en cela que nous sommes humains : parce qu’elle est vulnérable, toute personne est sœur de toute autre personne. »
« Il faut croire aux capacités du « vulnérable » à s’en sortir et entendre sa parole. On ne peut parler de fraternité sans entendre l’autre ».
Anna Perrin-Heredia : sociologue de la pauvreté en quartiers populaires.
« des personnes qui vivent apparemment dans les mêmes conditions, au même niveau de pauvreté parviennent ou ne parviennent pas à « s’en sortir » selon leurs origines familiales et sociales, leur voisinage, leurs appartenances associatives. »
Paul Valadier, philosophe et théologien
« Axel Honneth philosophe allemand, élève de Habermas fournit des concepts utiles pour notre travail sur la fraternité, notamment les concepts antagonistes de reconnaissance et de mépris. Reconnaître l’autre permet la réciprocité, ce que refuse le mépris. »
« Trois niveaux : reconnaissance affective, reconnaissance juridique et politique, reconnaissance de ses talents. Pour Honneth, l’expérience du mépris à plusieurs niveaux serait le nouveau nom de l’injustice. »
CONCLUSIONS DU COLLOQUE par Françoise Parmentier et François Ernenwein
L’impératif de la fraternité
« Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (Mt 25,40)
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits .Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns et les autres dans un esprit de fraternité ». Article 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1848)
Des racines chrétiennes fortes – « l’Église s’appelle Fraternité »-, une devise républicaine proclamée – « liberté, égalité, fraternité »-, le socle est solide. Mais le manque contemporain éclatant.
L’extension des détresses, nées de la faiblesse du lien social, de l’injonction à la réalisation de soi, du recul du sentiment d’appartenance à une commune humanité, redonnent une forte actualité à la fraternité. Les exclusions économiques et sociales, partout dans le monde, demandent d’opposer, au-delà des valeurs douces d’écoute, de compassion, des valeurs fortes de résistance. Par la réaffirmation de ce que nous partageons tous.
Dans l’histoire, la fraternité a joué un rôle fondamental. Mais elle reste une exigence vive pour aujourd’hui. Elle permet de dépasser – en combattant les humiliations – les limites d’ une société de droit fondé pour l’essentiel sur la liberté et l’égalité. La fraternité assure la promotion de liens pour répondre aux dangers d’identités fermées. Elle engendre de nouveaux droits sociaux et permet de tisser des relations, respectueuses des différences. Elle revitalise le débat démocratique.
L’attention à l’autre n’est pas une politique publique. Elle est une attitude qui prépare des changements à venir. C‘est à ce titre que les mouvements rassemblés autour de ce thème, le 4 avril 2014 à Paris lors d’un colloque, ont voulu souligner le rôle central de la fraternité.
Elles ont défini quelques priorités.
Il faut intégrer l’esprit de fraternité, dans les politiques publiques. Pas de prestations sans relations. Ce qui implique la participation des citoyens aux actions qui les concernent. Elle impose un partage des savoirs et des pouvoirs. La co-construction.
La dimension culturelle de la fraternité ne peut être ignorée. Elle suppose l’échange des expériences, de la connaissance de l’autre et de ses références.
La fraternité s’inscrit en actes. Déclarative, elle ne sert à rien. Elle s’incarne dans l’engagement concret contre la solitude et l’isolement, notamment. Vivre la fraternité est à la portée de chacun. L’expérience intime des fragilités invite à l’extension de la fraternité. C’est un acte de foi.
La fraternité saute les frontières, elle ne les efface pas. Elle donne du courage aux institutions, notamment européennes pour conduire des projets qui unissent, affirment des droits supranationaux et déconstruisent des peurs. Elle peut être dévoyée si elle ne sert qu’à ressouder les communautés nationales. Elle doit se déployer beaucoup plus largement qu’aujourd’hui en faveur des migrants et des pays pauvres, par des partenariats.
L’action des associations qui portent la fraternité, devenue complémentaire des politiques publiques, ne saurait être instrumentalisée ou institutionnalisée. Mais l’articulation et la coordination de ces engagements avec les autorités locales et nationales sont indispensables.
Pour que se déploie l’indispensable fraternité.
Documents téléchargeables
FRATERNITE PROBLEMATIQUE-PROGRAMME
FRATERNITE Notes de Michel Sot
FRATERNITE Déclaration finale du colloque L’impératif de la fraternité