Compte rendu de la table-ronde sur l’encyclique Amoris laetitia
Rencontre du 21 novembre 2016
au Siège de Confrontations
Introduction de Laurent Lemoine,
dominicain, rédacteur en chef de la Revue d’éthique et de théologie morale,
membre du bureau de Confrontations
Amoris laetitia est, sans aucun doute, le texte du Magistère du pape François qui fait couler le plus d’encre, posant ainsi la question de sa réception universelle, à la manière de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI sur la contraception en 1968, juste après le dernier Concile. Beaucoup se souviennent des perplexités causées par cette encyclique.
D’aucuns ont intérêt à bloquer, ou, a minima, à limiter l’accueil de l’exhortation papale par le Peuple de Dieu. On l’a vu récemment par le truchement des dubia émis auprès du pape par quatre cardinaux connus pour leur intransigeance. Le pape leur a répondu indirectement, ce qui sans doute, ne leur suffira pas.
D’autres ont eu l’impression que le Synode sur la famille aurait pu être beaucoup plus audacieux, amplifiant le travail de Vatican II et le reprenant là où le Concile l’avait laissé, à savoir, évidemment, le terrain de la morale familiale.
Bref, le genre de situation où personne n’est content ? Ou, au contraire, un synode centriste, rassembleur ? C’est vrai que la méthode avait un côté unique depuis que Paul VI lui avait redonné de l’intérêt. François en a d’ailleurs fait, un leitmoitiv : la synodalité est l’avenir de l’Eglise. Cela dit, cette méthode semble très liée au style personnel du pape actuel : qu’en sera-t-il après lui ?
Enfin, il serait dommage de limiter à la fois le synode et Amoris laetitia (notamment le chapitre 8) à une affaire interne à l’Eglise catholique. François fait la politique de la main tendue : aux autres croyants, aux non-croyants, aux pouvoirs civils, etc. Il dresse des ponts là où le choix du mur semble parfois plus raisonnable, au moins à court terme. L’exhortation a voulu prendre en compte les familles telles qu’elles sont en vérité et non telles que l’Eglise les idéalise. L’ouverture au cas par cas pour les divorcés remariés illustre cette mise à jour, faut-il dire, cette nouvelle interprétation de la doctrine … ?
Cependant, l’Eglise catholique maintient un très haut niveau d’exigence morale pour tous conjugué – et ce n’est pas le plus facile, bien que ce soit en même temps le génie catholique – à la miséricorde pour tous martelée par le pape. L’Eglise catholique demeure un phare ou une boussole au cœur d’une mondialisation qui nivelle, affadit, voire corrompt tout. Business is business, tel que D. Trump et W. Poutine se sont entendus pour le promouvoir, n’est pas un principe de la théologie catholique.
Du coup, il s’agit de servir au plus près les familles, surtout les plus fragilisées, avec le maximum de crédibilité concrète, et pas seulement de reconduire à l’identique de normes bien connues par ailleurs. C’est en passant ce test-là à travers les mises en œuvre pastorales et locales d’Amoris Laetitia que chacun mesurera la portée de l’entreprise synodale.
Intervention de Mgr Jean-Luc Brunin,
évêque du Havre, responsable du Conseil famille et société de l’Eglise de France
A télécharger : intervention-mgr-jean-luc-brunin
Intervention de Sœur Catherine Fino,
professeure de théologie morale à l’Institut Catholique de Paris
A télécharger : intervention-soeur-catherine-fino