Appel à ceux qui aspirent à nous gouverner

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A ceux qui aspirent à nous gouverner

Accueillir l’étranger, le défi

La violence de la guerre ou des injustices économiques les a poussés jusqu’à nos frontières. Ils sont exilés. Leur présence sur notre sol interpelle notre société et nous interpelle personnellement. Elle déchaîne les controverses et trouble les esprits ; elle inspire la compassion et la solidarité ou bien suscite les peurs et le rejet.

Nous sommes conscients que leur accueil est aujourd’hui un vrai défi.

Le colloque organisé ce 25 mars 2017 à Paris a permis de dégager et  d’affirmer   quelques exigences prioritaires.

Le défi est d’abord celui de la compréhension.

Il s’agit de comprendre et de faire comprendre la réalité des faits. Ces exilés ont chacun un nom, une famille, une histoire. Quelle que soit leur situation,  leur dignité et leurs droits humains fondamentaux  doivent être préservés. Cette attention concerne en particulier les plus fragiles : mineurs isolés, femmes seules, personnes âgées.

Comprendre cette réalité, c’est lutter sans naïveté contre les fantasmes et les préjugés. C’est reconnaître que ces migrations seront durables, qu’elles font partie de notre histoire et que notre pays a le potentiel pour accueillir les dizaines de milliers de personnes qui s’y présentent. La recherche de boucs émissaires face aux difficultés économiques et aux tensions sociales est trop commode. Tous les moyens permettant de promouvoir et de renforcer la cohésion et la solidarité doivent être mis en œuvre. Il faut écarter les risques de fractures sociales.

Le défi porte aussi sur les politiques menées par l’État et les collectivités locales.

L’accueil des migrants concerne tous les échelons de la sphère publique, de l’Etat aux communes. Il implique de mettre en œuvre avec humanité le cadre juridique qui organise le séjour des étrangers en France. La tâche est exigeante : assurer un accueil digne, traiter avec célérité et justice les demandes d’asile, stabiliser et sécuriser le droit au séjour, protéger les plus vulnérables (mineurs non accompagnés, femmes seules, malades), respecter le droit de vivre en famille. Autant de mesures qui sont la condition d’une intégration réussie. Assurer la sécurité des citoyens n’est pas incompatible avec l’indispensable accueil de ceux qui arrivent. Ils ont droit à se loger, se soigner, apprendre notre langue, se former. Leur refuser ces droits serait nous priver de leur participation à la vie de notre société.

Une politique d’accueil digne de ce nom n’est pas compatible avec le harcèlement, l’intimidation ou la répression des personnes étrangères les plus précaires ni des citoyens qui leur viennent en aide.

Le défi de l’accueil des migrants n’interpelle pas seulement notre pays. Il revient au gouvernement français d’accroître son engagement auprès des instances européennes pour élaborer enfin une politique qui soit à la hauteur des enjeux. Le légitime contrôle des frontières ne doit pas conduire à de nouveaux murs. En finir avec des mesures conjoncturelles avant tout répressives et attentatoires aux droits fondamentaux des exilés Reconnaître qu’il est injuste et inefficace d’abandonner aux États placés aux avant-gardes (Italie, Grèce) toute la charge de cet accueil. Il est urgent d’accepter une répartition plus équitable des exilés en Europe.

Aucun pays ne peut gérer à lui seul cette question. La priorité devrait être à de nouvelles formes de coopération internationale, où les questions migratoires seraient gérées dans l’intérêt des personnes migrantes, des pays de départ et des pays d’accueil.

Le défi est enfin éthique.

Les tensions actuelles autour de l’accueil des exilés et des migrants résultent en partie du désarroi et des craintes de nombreux citoyens dans une Europe bousculée par les crises et les guerres qui ravagent des continents proches.

En France, les mobilisations de solidarité prouvent que de nombreux citoyens sont sensibles au sort de ces migrants. Mais beaucoup d’autres se sentent désarmés ou craintifs, et une minorité agissante prône le repli et le rejet.

Est en jeu ici, l’attachement aux valeurs de l’hospitalité.

L’hospitalité perçue comme un échange implique un enrichissement réciproque et permanent, capable de faire vivre tout ce qui construit l’identité et la culture de notre pays.

L’accueil des étrangers relève des valeurs essentielles de la République, celles qui au nom de la fraternité et de la solidarité concourent au vivre ensemble et au partage du bien commun. La France s’est construite par des apports multiples de femmes et d’hommes venus d’ailleurs.

Un pays attaché aux droits de l’homme doit pleinement assumer et illustrer ces valeurs humanistes. Les chrétiens, eux aussi, veulent les défendre et les promouvoir. Leur histoire s’est façonnée à partir d’un exode et d’un exil. Elle s’est toujours nourrie d’un Évangile tourné vers les déracinés et les plus démunis.

L’accueil des exilés est bien aujourd’hui un enjeu majeur. Il est révélateur d’un choix de société, entre repli et rejet ou ouverture et accueil de « l’autre ». Tous ceux qui vont exercer des responsabilités politiques auront à relever ce défi.

Ce texte est porté par Confrontations, association d’intellectuels chrétiens et par les partenaires de ce colloque du 25 mars 2017 :

ACAT/France – ATD Quart Monde – Apprentis d’Auteuil – CCFD-Terre Solidaire – CERAS – CIMADE – Justice et Paix – Eglise catholique : pastorale des migrants et vicariat pour la solidarité/Paris – Semaines Sociales de France – JRS/France (Service Jésuites des Réfugiés) Société Saint-Vincent-de-Paul – Réforme – Projet – Études

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