« Liberté, égalité, oui, mais fraternité ? » Compte rendu de la soirée lançant le livre le 25 novembre 2014

Orateurs

Lancement du livre
« LIBERTÉ, ÉGALITÉ, OUI, MAIS FRATERNITÉ ? « 

réalisé par Confrontations à la suite du colloque du 4 avril 2014

 

Notes prises par Michel Sot durant les exposés de Geneviève Jacques, présidente de la Cimade et François Dubet, sociologue, au cours de la table ronde animée par François Ernenwein, rédacteur en chef à La Croix.

 

Geneviève Jacques, présidente de la Cimade.

Importance de ce thème et de ce livre aujourd’hui, en un temps de dangers qui est aussi un temps d’attentes et de projets.

– un temps de dangers

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nationalisme et populisme en hausse mortifère. Le traitement accordé aux étrangers est un marqueur de la santé, bonne ou mauvaise d’une société. Le rejet de l’immigration est le leitmotiv des aigris, sur fond de méfiance à l’égard du politique et de l’institutionnel. Et les étrangers ne sont pas les seuls discriminés : les « profiteurs », les « assistés » et bien d’autres, le sont aussi.

Face à ces régressions, aucune parole forte et audible du pouvoir politique qui choisit de faire profil bas au prétexte de ne pas diviser. Les partis politiques, les syndicats, et même les églises ne sont guère présents. Une logique de fermeture s’impose. La fraternité n’est pas au fronton du discours public.

– un temps d’attentes et de projets

De fait, il y a beaucoup de « non » à toutes ces régressions et résignations. Beaucoup d’efforts et d’actions qui vont dans le sens de la fraternité, beaucoup plus qu’on ne croit et qu’on ne médiatise. Et il y a une énorme attente, des jeunes en particulier, qui réagissent contre les attitudes qui se prétendent « décomplexées ». On demande des outils pour avancer.

Le livre « LIBERTÉ ÉGALITÉ, OUI MAIS FRATERNITÉ ? » en est un. Il ne contient pas de recommandations morales mais un effort de pensée sur le concept de fraternité (« C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal » H. Arendt) en trois approches, théologique, historique et philosophique. Il présente et réfléchit ensuite sur des solidarités actives sur les territoires, et propose des leçons à tirer des pratiques des diverses organisations. Le tout pour sortir du mépris et de l’humiliation qui font sombrer la fraternité. Un tel livre pose les bonnes questions et permet de recharger les batteries de ceux qui se sentent désarmés devant les dangers et les défis qui ont été évoqués et pourtant veulent avancer.

 

François Dubet, sociologue

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On a assisté à une réduction très forte des inégalités entre 1910 et 1980. Or, depuis 30 ans c’est l’inverse : fort retour des inégalités (même si ce retour est de moindre ampleur  en France qu’en Angleterre et aux États-Unis). Et ce n’est pas Wall Street ou « la mondialisation » qui est responsable de cela, mais bien des actes volontaires : nous choisissons d’habiter des quartiers paisibles avec des gens comme nous et choisissons les meilleures école pour nos enfants. Dans nos pratiques, nous choisissons les inégalités et nous défendons nos droits de pharmaciens, de profs, de bonnets rouges etc.

Pour en sortir il faudrait la fraternité. Depuis la révolution française, la fraternité n’a plus été celle de la religion mais celle de la nation : elle semble s’être effondrée. Il y a un éclatement de toute une série d’habitudes et de pratiques qui fait que les gens ne se reconnaissent plus dans un système cassé. Il y a 50 ans on roulait dans une voiture française et on était à fond Peugeot ou à fond Citroën. Un français était un catholique pratiquant ou un catholique anticlérical mais il y avait une référence commune. Ces mécanismes communs sont cassés. Il faut prendre très au sérieux le désarroi profond qui en résulte.

Face à cela on assiste à la régression maurassienne d’un Zemour vers le « village » idéalisé. Et les politiques disent qu’il faut attendre le retour de la croissance. Qui croit que la croissance redonnera de la fraternité ?

En fait, la fraternité ne viendra pas d’en haut, ni de l’Eglise, ni de la Nation : elle viendra d’en bas. Car quand on regarde en bas, et à une certaine distance de Paris, on voit la France très différemment et ce n’est pas si mal.

Quelques préconisations :

  • reprendre la classe politique à partir d’une base solidaire et fraternelle ; l’obliger à la vertu (au sens de Montesquieu) ; ne pas passer directement de l’ENA au ministère des finances sans avoir jamais rencontré un électeur, ni avoir seulement deux maires en 79 ans dans une grande ville comme Bordeaux.
  • bien montrer aux citoyens que 57 % de la richesse nationale est de fait redistribuée. Nous sommes très solidaires mais c’est illisible. Personne ne sait ce qu’il paie, personne ne sait ce qu’il reçoit. Donc personne ne veut rien bouger.
  • reconnaître nos différences mais bien rechercher aussi ce que nous avons en commun. et ne pas laisser le patriotisme aux méchants. Il est encore possible de verser sa larme à la Marseillaise des matchs internationaux. Il faut appartenir à la jet-set pour affirmer que la nation n’existe plus.
  • prendre exemple sur les Canadiens, beaucoup plus divers que nous, qui pratiquent les « aménagements raisonnables » au niveau local, sans remonter à chaque fois aux grands principes et aux grands débats nationaux (sur la tenue d’une maman qui accompagne les enfants en sortie scolaire par exemple). Au niveau local, la solidarité marche plutôt bien et de façon plus chaleureuse.

 

 Pour prolonger la réflexion et encourager l’action:

Voir aussi:

Une invitation de Jean-Baptiste de Foucauld à soutenir une « initiative citoyenne européenne » : Le Pacte civique invite ses adhérents et sympathisants à soutenir l’Initiative citoyenne européenne ICE, « Un new deal pour l’Europe »  qui doit recueillir un million de signatures pour pouvoir être prise en considération par la nouvelle Commission.

Aux Éditions Franciscaines, deux livres : « Église : quand les pauvres prennent la parole » et « Quand l’Église se fait Fraternité »

Une note de réflexions reçues de Félix Coulibaly, Prêtre étudiant du Diocèse d’Arras : Fraternité et Sécurité

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