Notre monde complexe invite à repenser les interdépendances, cultures, organisations, coopérations, pouvoirs…
Proposition de Jean-Pierre Jaslin
Si je reprends les activités (de Confrontations) auxquelles j’ai participé et les questions qui se posent à notre société aujourd’hui, je pense qu’il y a un constat assez partagé sur le fait qu’il y a de multiples initiatives décentralisées, parfois même des innovations, mais que toutes ces mobilisations d’acteurs ne permettent pas (encore ?) de modifier la régulation globale. Ces activités passionnent les acteurs, mais laissent un gout amer faute de débouchés plus larges qui favoriseraient une confiance.
Je repense à ce que nous disaient François Dubet, la Cimade, le CCFD, les intervenants de la journée sur la fraternité, le livre sur les « cathos »… Le risque est de renforcer un discours de citoyenneté ou de groupe de proximité en abandonnant le terrain d’une action civique et institutionnelle.
La lecture du livre de Yann Raison de Cleuziou, fait bien apparaitre la difficulté des personnes engagées à différents titres dans l’Église pour penser une action « dans », « par » et « sur » l’institution. Les niveaux institutionnels sont alors perçus comme immuables ou au moins hors de portée de changements. Question d’autant plus importante que le Pape François invite les Églises locales à prendre leur responsabilité. Il cherche des alliances pour modifier la Curie, mais tout le monde reste au balcon pour voir comment il va se débrouiller comme si cela n’aura aucun impact sur nos églises locales.
Or, les défis à relever aujourd’hui sont très importants par leurs impacts sur le vivre ensemble et l’Humanité: voir les questions sur la bioéthique, la fin de vie, le transhumain, les NBIC… toutes questions qui seront loin de faire l’unanimité dans les communautés. Le phénomène est identique en ce qui concerne la confrontation interreligieuse ou interculturelle (partie effectivement absente du livre sur les « cathos »), comme de l’attitude à prendre face aux radicalismes ou au laïcisme. Il est à craindre, vu la faiblesse d’expériences pratiques de débat dans les communautés, l’absence de lieux de discussion entre les diverses appréhensions de ces questions dans les communautés et les problèmes importants de fonctionnement lié à la difficulté de penser une place des laïcs dans l’église, que nous assistions à un retrait de la plupart des communautés du débat interne et de celui de nos sociétés.
Sans approche renouvelée d’une régulation intermédiaire, les messages descendants et les expériences locales ne favorisent pas une dynamique nouvelle, alors que l’attente vis-à-vis de la religion est plus forte actuellement, mais si elle prend des formes plus diversifiées.
C’est aussi une question que l’on retrouvera sans nul doute que ce soit autour de « l’extrême violence » (se sentir proche) ou du Care.
Aussi, ma proposition consisterait à réfléchir sur cette dimension des régulations intermédiaires pour accepter la diversité tout en renforçant l’unité pour une nouvelle humanité. Nous pourrions partir de l’idée de subsidiarité qui est un héritage commun et voir comment dans notre monde complexe, elle reste une boussole importante à condition de repenser l’interdépendance des niveaux et donc des modes d’organisation et de pouvoir. Une lecture biblique de cette question, éthique, sociologique, philosophique et anthropologique… devrait favoriser l’émergence d’une problématique nouvelle.
JP Jaslin – Février 2015