Retour sur notre soirée débat : Les ventes d’armes par la France

La troisième rencontre de notre cycle « Intellectuels et citoyens chrétiens face au fait militaire » s’est tenue mercredi 15 décembre 2021. Comme dans nos rencontres précédentes, en particulier celle avec le général Pierre-Joseph Givre, nous avons souhaité entendre non pas un observateur ou un théoricien mais un praticien réfléchissant sur sa pratique. En l’occurrence, nous avons reçu Nicolas Chapon, Contrôleur général des armées, en charge du contrôle des programmes et des industries d’armement, (Professeur associé à l’université de Paris 2 Panthéon-Assas (management de crise et géopolitique de l’économie mondiale).

Il expose ce que l’on appelle souvent « complexe militaro-industiel », en terme technique BITD (Base Industrielle de Défense), c’est-à-dire tout ce qui permet d’aboutir à la production et à l’exportation d’armes, des centres de recherche aux entreprises. Trois pays ont un BITD complet : le États-Unis, la Russie et la Chine (ex : la Chine met à l’eau tous les 18 mois l’équivalent de la totalité de la flotte française). Derrière viennent les pays quasi-complet la France et le Royaume Uni, puis le Japon et l’Inde ; enfin les pays qui cherchent à s’imposer comme la Turquie.

Pour une puissance moyenne comme la France, produire des armes est nécessaire à la défense de sa souveraineté, de l’intégrité de son territoire et de sa population. Vise à ne pas dépendre de l’extérieur et à avoir une autonomie d’appréciation de la situation pour la décision et l’action. Avoir sa propre chaîne d’approvisionnement de l’outil militaire permet de l’ajuster à nos besoins et à nos moyens (à un coût acceptable pour les impôts des Français). La clé de voûte est la dissuasion nucléaire, mais on n’en parle pas.

Le BITD de la France comporte

  1. Des services étatiques : ceux des Armées (doctrine, retour d’expérience) ; ceux de la Direction Générale de l’Armement (incuber les contrats de développement pour l’industrie).
  2. Des organismes para-étatiques : grandes écoles (ex. Polytechnique, Navale…), organismes de recherche (Centre d’études spatiales), les laboratoires des Universités (le ministère des armées emploie 300 docteurs).
  3. Les entreprises industrielles d’armement.

La production d’armement fournit 13 % des emplois en France, dont beaucoup en région : c’est un secteur important de notre économie. Il contribue au rééquilibrage de notre commerce extérieur.

Pourquoi exporter de l’armement ? C’est une nécessité pour maintenir une industrie française performante. Pour être rentable un chantier naval doit produire une frégate tous les 10 mois : l’armée française n’en achète qu’une tous les deux ans. Même chose pour les avions Rafales : il faut en vendre au moins un sur deux. La vente d’arme est aussi un instrument diplomatique qui contribue au rayonnement de la France. Qui sont les clients : les États qui ont de l’argent et pas trop de scrupules.

Les problèmes moraux posés par la vente de matériel de mort sont ceux de la guerre en général. La DGA a une série de règles : – veiller aux risques de déstabilisation des États ; -ne pas soutenir un régime opposé à notre politique extérieure ; – vendre à des États suffisamment sûrs. Mais aussi ne pas disséminer nos armements les plus pointus. La Commission Justice et Paix et le Catéchisme de l’Église catholique reconnaissent qu’il est légitime de se doter d’un armement « pour la juste suffisance de sa défense » et que l’on doit rechercher la régulation nécessaire en vue du bien commun.

Une appréciation sur la situation en France en 2021

  • les investissements militaires ont maintenu la paix en France depuis 75 ans. Ces investissements sont-ils à un niveau raisonnable ? 1, 8 % aujourd’hui alors qu’ils étaient à 3, 3 % en 1990.
  • l’État contrôle le commerce des armes : c’est lui seul qui accorde les licences et toute exportation est soumise à autorisation du Premier ministre.
  • la France a signé tous les traités de limitation des armements et respecte les embargos
  • la DGA est attentive aux positions des ONG qui aiguillonnent le respect.

(Notes prises par Michel Sot)